Chapitre 88 : Princesse Yukinata
La chouette effraie survolait ce qui ressemblait à un petit village noble et entrait dans le grand palais blanc qui le dominait. Les couloirs propres se ressemblaient tous, mais l’oiseau semblait n’avoir aucun mal à trouver son chemin dans ce lieu.
Finalement, elle entra dans une grande pièce dans laquelle se trouvait un grand miroir avec, devant lui, une jeune fille aux longs cheveux noirs brillant. En entendant le battement des ailes souples du rapace, celle-ci se retourna pour lui faire face, ses iris blancs fixant les yeux noirs de la chouette.
L’animal se posa sur son épaule, également dos au miroir.
– Suis-je belle ? demanda-t-elle à sa chouette.
L’oiseau fit pivoter sa tête de 180 degrés tandis que des veines saillantes apparaissaient sur les tempes de la fille.
– Vu comme ça, tes yeux paraissent plus blancs que les miens, poursuivit-elle avec un petit rire, utilisant le pouvoir de son Byakugan pour regarder, dans son dos, le miroir face auquel la tête de la chouette semblait la voir.
– Yukinata, ma belle princesse... murmura soudain une voix à la jeune femme, qui ne l'avait pas vue venir malgré ses bons yeux. Ils sont là... !
La jeune Yukinata désactiva ses Byakugan, se retourna et se regarda dans le miroir, l’air pâle, le regard triste, tandis que sa chouette reprenait son envol.
– Ma douce fille, reprenait d’une voix anxieuse sa mère, qui se trouvait à présent derrière elle. Cesse donc de faire cette tête, tu vas les faire fuir...
– Vous savez bien ce que j’en pense, mère...
– Ton père attend... Et tu connais bien son attachement aux traditions...
– Mais... Mère... fit alors la jeune fille, croisant dans le miroir le regard de sa mère, ses yeux blancs semblant implorer son aide.
Mais c’était ainsi.
Elle était la fille du chef de clan. Elle était la princesse Yukinata, et comme toute princesse Hyûga, elle avait pour rôle de maintenir la pureté du Byakugan.
C’était la tradition. Son père le lui répétait inlassablement, fier de se considérer comme évolué par rapport à tous « ces clans sauvages, là dehors, seulement bons à se battre ».
Chaque fois qu’il mettait en valeur la noblesse de son clan, la jeune fille se retenait une remarque.
« Conserver les traditions, est-ce vraiment évoluer ? »
Mais elle le savait : il ne lui serait pas permis de parler ainsi, cela enfreindrait les règles de son clan.
Alors, elle s’abstenait ; elle se limitait...
Et ces limites, elles étaient pesantes. Trop pesantes, pour cette jeune fille qui atteignait un âge de changement, et qui pourtant restait entravée par de nombreuses règles.
Et son statut de princesse n’y changeait évidemment rien, bien au contraire...
Elle était à présent assise sur son trône. Son père, un grand homme aux cheveux châtain grisonnants et à l’allure noble, se tenait à ses côtés, toisant du regard tous ces jeunes prétendants aux yeux blancs.
Et le premier s’avança, s’inclinant chaleureusement devant la jeune fille.
– Hyûga Hitomi, fit-il aussitôt pour se présenter, comme le voulait la coutume. Belle Yukinata, vous serez pour moi la prunelle de mes yeux et...
« Que raconte-t-il ? se demanda Yukinata, n’écoutant plus vraiment, le regard ailleurs. »
Elle partit brièvement dans ses pensées, sans vraiment se préoccuper du jeune homme, non par mépris mais par simple manque d’intérêt dénué de toute méchanceté. Elle revint à elle lorsque celui-ci, passablement vexé par le manque de réaction de la fille, quittait la pièce, bredouille.
Un nouveau s’approcha.
Yukinata le regarda, droit dans les yeux, ne voulant surtout plus paraître impolie et se forçant à donner l’impression d’être intéressée.
Celui-ci rougit presque instantanément et balbutia quelques paroles qu’il fut sans doute le seul à comprendre.
Il eut au moins la présence d’esprit de s’en rendre compte et de se retirer tout aussi furtivement qu’il s’était avancé.
Le père de Yukinata soupira, et fit un pas en avant...
– Messieurs, fit-il de sa voix grave, calme, posée. Si vous êtes incapables de vous maîtriser, je vous invite à vous retirer, tout de suite. Ce n’est pas digne d’un Hyûga et ça nous évitera donc de perdre notre temps, à tous. Je vous remercie par avance.
Ses paroles étaient dures. Yukinata y était habituée, pour avoir droit à ce genre de remarques assez régulièrement. Ce n’était en revanche pas le cas de tous ces jeunes hommes qui, pour beaucoup, se montrèrent surpris, inquiets et énervés.
Plusieurs quittèrent la pièce, abandonnant la partie, et retournant dans leur famille aux modestes finances annoncer qu’ils ne deviendraient pas fortunés comme ils l’avaient promis.
Yukinata ne savait plus où se mettre, et pourtant, qu’elle le veuille ou non, elle était le centre de l’attention générale.
D’autres s’approchèrent, faisant chacun leur tour leurs avances à la jeune fille.
Mais celle-ci se rendait de plus en plus compte qu’ils étaient surtout intéressés par l’argent qu’une telle situation pourrait leur apporter.
D’une manière générale, le clan Hyûga était loin d’être pauvre, mais la famille royale était réputée pour posséder les plus grandes richesses du Pays du Feu. Cela avait de quoi attirer de nombreux hommes.
La jeune fille commençait à se lasser.
– Hyûga Haneki, fit le trente-sixième prétendant, effectuant un rapide déplacement pour se retrouver auprès de la jeune fille en un instant.
Celle-ci sentit son père se tendre, prêt à l’écarter puis, ne sentant aucune menace dans l’action de ce talentueux shinobi, retrouver son calme inégalable en fixant le jeune garçon de son regard froid habituel – quoique, peut-être, intéressé.
Yukinata ne l’avait pas vu, mais il tenait une fleur dans sa bouche – ou peut-être venait-il de l’y placer ?
Quoi qu’il en soit, il s’agenouilla devant la jeune fille, lui apposant un doux baiser sur la main en se courbant avec grâce tout en lui tendant, de sa main libre, la fleur qu’il portait.
– Acceptez cette offrande, belle dame Yukinata.
Cette dernière devint toute rouge.
Elle connaissait bien les fleurs, et leur langage, et par ce jeu de mot, cet Hyûga lui présentait une belladone, symbole de la pureté.
Le jeune homme savait qu’il avait tapé juste.
Plus âgé que Yukinata, il avait sans doute déjà eu des occasions avec d’autres filles, et savait clairement ce qu’il valait.
Et Yukinata, qui – au grand regret de son père – avait toujours eu du mal à contrôler ses émotions, montrait clairement qu’il ne la laissait pas indifférente avec son entrée en scène.
Le regard du père s’adoucit. Le jeune homme comprit qu’à côté de tous les autres, il était clairement mis en valeur. Son entrée en scène était bien plus noble que les autres et il avait, en plus, le net avantage d’être un beau garçon.
En cela, il était clair qu’il plairait au père de Yukinata, et au final, c’était là le plus important.
– Jeune homme, fit ce dernier. Quel âge avez-vous ?
– 17 ans, Monsieur.
Le père acquiesça, plus que jamais intéressé. Sa fille était plus jeune, mais il n’avait jamais caché son souhait qu’elle rencontre un individu plus âgé, un homme qui saurait la guider et la protéger.
– Connaissez-vous le village d’Uzushio, jeune homme ? demanda alors le père.
Suite à cette question, la plupart des autres garçons restants quittèrent la pièce, reconnaissant tristement leur défaite.
Cette réaction était parfaitement compréhensible, car il était de notoriété publique que le mariage chez les Hyûga soit suivi d’une Lune de Miel chez le seul autre clan disposé en village. Cet acte avait pour but d’entretenir de bonnes relations entre les Hyûga et les Uzumaki, qui, en ces temps durs de guerres incessantes, étaient au final les seuls à avoir su trouver un semblant de paix, chacun à leur manière.
Ainsi, pour que le père de la jeune fille posât une telle question, cela signifiait clairement qu’il avait "adopté" le jeune homme.
Yukinata ne savait pas trop quoi dire.
De toute façon, elle n’aurait sûrement pas son mot à dire, et elle s’y était préparée.
Elle devrait passer sa vie avec un homme et, à défaut de choisir le meilleur, elle devrait se contenter du moins pire.
Et il était évident qu’elle ne devrait pas s’estimer trop malheureuse avec un tel individu, si elle devait choisir...
Cela ne lui convenait pas, mais par élimination, et par rapport à son père, c’était ce qu’il fallait.
Et, de toute manière, les autres étaient partis... Tous, ou presque.
Un jeune homme attira son attention. Elle croisa son regard, ou du moins ce qu’elle voyait, car ses yeux étaient clos.
Il paraissait jeune, très jeune – sans doute le même âge qu’elle.
Ses cheveux noirs étaient longs et durs, lui donnant un faux air négligé mais toutefois très intéressant.
– Gamin, tonna son père à ce dernier prétendant qui ne semblait pas avoir compris que c’était fini. Êtes-vous sourd en plus d’être aveugle, ou simplement bête ?
Sur ces paroles, le jeune homme s’avança. Yukinata fut surprise par cette réaction : comprenait-il seulement qu’il s’agissait là d’un affront envers son père, en plein cœur du lieu le plus sécurisé de tout le clan Hyûga et au milieu de nombreux gardes qui pourraient l’écarter par la force en un clin d’œil ?
Son père sembla perturbé par sa réaction, mais Yukinata ne pu s’empêcher d’éprouver un intérêt grandissant pour cet homme qui semblait ne pas vouloir se soumettre aux lois du chef de clan – ce qu'elle-même ne s'était jamais permise de faire.
Et ses yeux, toujours clos, l’intriguaient.
Haneki, qui se trouvait toujours face à la jeune fille, semblait passablement agacé par cet individu qui prenait toute l’attention de Yukinata.
Mais celle-ci, trop curieuse, ne put se retenir d’activer son Byakugan pour voir au travers des paupières du jeune inconnu. Elle était trop curieuse – un autre défaut, selon son père...
En vision négative, elle ne fut pas déçue en voyant ses iris, d’un magnifique bleu cyan, scintillant... Elle n’avait jamais vu un Hyûga aux yeux si brillants, comme si son esprit rebelle s’exprimait à travers ce puissant rayonnement.
Mais ce qu’elle ne comprenait surtout pas, c’est justement de voir des yeux bleu cyan, alors que sa vision était en négatif. Tous les autres Hyûga présents dans la pièce ne présentaient absolument pas de tels iris ; les couleurs devaient être inversées...
Et pourtant, il semblait que chez cet individu, les règles normales ne s’appliquaient pas... C’est, du moins, ainsi que la jeune fille voyait les choses. C’était peut-être naïf, mais ça lui plaisait de se dire ça, et son cœur battait toujours plus fort.
– Souhaitez-vous que je le ramène à la raison, Monsieur ? murmura Haneki, les sourcils froncés, ramenant Yukinata de ses rêveries.
– Eh bien, pourquoi pas, répliqua le père, au grand regret de la jeune fille.
– Ma Dame, poursuivit Haneki, à l’adresse de Yukinata. Fermez donc vos yeux purs, pendant que je me charge de l’intrus.
Elle voulut dire à ce jeune homme d’être méfiant, de partir.
Mais il ne faisait rien. Pourquoi ne faisait-il rien ? Pourquoi n’ouvrait-il même pas les yeux ? Était-il fou ?
Trop tard. Haneki s’était déplacé et en un bond, il se retrouva à la hauteur de l’individu, sans même activer ses Byakugan, afin de faire une démonstration de force en public.
Yukinata se leva aussitôt, choquée, et lui hurla d'arrêter ; mais trop tard...
De toute évidence, il était fort en combat et c’est avec terreur que Yukinata le vit placer un coup, un unique coup, droit sur le garçon aux yeux clos... Et échouer.
Tombant, face contre terre, inconscient, Haneki avait perdu et en face, l’individu semblait n’avoir pas même bougé.
Yukinata n’avait rien vu.
– Vos règles vous limitent, murmura l’individu.
– Quelle arrogance ! s’exclama le père de Yukinata, s’avançant d’un mouvement fluide jusqu’à l’individu. Ton insolence te coûtera cher, jeune insolent...
La jeune fille savait que son père était extrêmement fort ; il était redouté et connu pour être le meilleur membre du clan. Son niveau n’avait rien à voir avec celui d’Haneki, toujours au sol.
– Mais avant, poursuivit le père, se tenant droit et calme face à l’individu, j’aimerais savoir qui je vais arrêter.
– Ah, c’est vrai, murmura ce dernier. Il faut se présenter, alors... Mon nom est...
Ses paupières s’ouvrirent lentement.
– Uchiha...
Des yeux rouge scintillants apparurent, provoquant des exclamations de surprise au sein de la garde royale – et Yukinata comprit alors pourquoi elle les avait vus cyan en vision négative...
– ... Madara.
Mizuki_tiger